Peuple de Dieu, la réponse à cette question semble plutôt évidente : non, le chrétien n’est pas autorisé à mentir.
Pourtant dans la Bible, Dieu semble avoir béni certains menteurs, comment expliquer cela ?
Il est écrit dans le livre d’Apocalypse 21: 8 : « Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l’étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort ».
Le mensonge n’est pas une petite chose aux yeux de Dieu. Dans sa parole, Il dit qu’il laissera dehors ceux qui l’aiment et pratiquent et leur fin sera l’étang de feu, là même où sera jeté le diable, le « père du mensonge ».
L’apôtre Paul nous dit dans son épître aux Ephésiens 4 : 25 : « C’est pourquoi, renoncez au mensonge, et que chacun de vous parle selon la vérité à son prochain; car nous sommes membres les uns des autres ».
Bien-aimés, c’est vrai que le chrétien pèche s’il tombe dans le mensonge. Ce qui veut donc dire que le mensonge et la vie chrétienne sont comme l’huile et l’eau. Ils ne devraient jamais se mélanger aisément.
Des menteurs « exemplaires ? »
Parmi les nombreux récits de mensonges contenus dans la Bible, deux au moins sont de nature à troubler le lecteur.
Le premier est l’histoire de Rahab, la prostituée de Jéricho, qui, volontairement, cacha les espions envoyés par Israël et mentit aux autorités de la ville qui les recherchaient.
C’est écrit dans Josué 2 : 3 -5 : « Le roi de Jéricho envoya dire à Rahab : Fais sortir les hommes qui sont venus chez toi, qui sont entrés dans ta maison; car c’est pour explorer tout le pays qu’ils sont venus. La femme prit les deux hommes, et les cacha; et elle dit : Il est vrai que ces hommes sont arrivés chez moi, mais je ne savais pas d’où ils étaient; et, comme la porte a dû se fermer de nuit, ces hommes sont sortis; j’ignore où ils sont allés : hâtez-vous de les poursuivre et vous les atteindrez ».
Après ces événements, elle n’est plus mentionnée que trois fois. Pire, dans le Nouveau Testament, sa réaction y est dépeinte comme le modèle d’une foi biblique, celle dont les oeuvres démontrent l’authenticité.
Hébreux 11 : 31 : « C’est par la foi que Rahab la prostituée ne périt pas avec les rebelles, parce qu’elle avait reçu les espions avec bienveillance ».
Le deuxième récit, tout aussi problématique, est celui des sages-femmes égyptiennes, Schiphra et Pua, le livre d’Exode 1 : 16 – 19 nous dit : « Il leur dit : Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux et que vous les verrez sur les sièges, si c’est un garçon, faites-le mourir; si c’est une fille, laissez-la vivre. Mais les sages-femmes craignirent Dieu, et ne firent point ce que leur avait dit le roi d’Egypte; elles laissèrent vivre les enfants. Le roi d’Egypte appela les sages-femmes, et leur dit : Pourquoi avez-vous agi ainsi, et avez-vous laissé vivre les enfants ? Les sages-femmes répondirent à Pharaon : C’est que les femmes des Hébreux ne sont pas comme les Egyptiennes; elles sont vigoureuses et elles accouchent avant l’arrivée de la sage-femme ».
Bien que Pharaon leur eût ordonné de mettre à mort tous les enfants mâles hébreux, ces dernières craignirent Dieu et ne se conformèrent pas à cet ordre.
Lorsque des comptes leurs furent demandés, elles expliquèrent que les femmes d’Israël accouchaient plus rapidement que les égyptiennes. Malgré ce qui s’apparente à un mensonge, l’Eternel fit « prospérer leurs maisons », parce que « les sages-femmes avaient eu la crainte de Dieu ».
Obligés de pécher ?
Ces passages soulèvent un certain nombre de questions.
• Rahab, Schiphra, et Pua ont-elles été bénies en raison, ou en dépit de leur désobéissance à l’autorité civile ? Qui plus est, ces bénédictions marqueraient-elles une sorte d’approbation divine de leurs mensonges respectifs ?
• Au vu de leurs circonstances, avaient-elles seulement la possibilité d’agir autrement ?
• D’un point de vue plus général, existe-t-il des situations telles que le croyant se retrouve obligé de transgresser un commandement divin dans le but d’obéir à un autre ?
• Et, si tel est le cas, peut-on légitimement parler de transgression, de péché ?
Le problème des absolus moraux
Pour les chrétiens attachés à l’inerrance des Ecritures, les commandements moraux divins sont des absolus.
Que veut-on dire par là ?
Le livre de Romains 7 : 12 : « La loi donc est sainte, et le commandement est saint, juste et bon ».
Chers lecteurs, la loi morale, exprimée notamment dans les dix commandements, est l’expression du caractère de Dieu. En d’autres termes, quand Paul dit que « la loi est sainte », et que « le commandement est saint, juste et bon », il indique par là que la loi morale révèle Dieu dans sa sainteté, sa justice, et sa bonté.
Puisque les commandements émanent de Dieu, qu’ils le reflètent et le révèlent, alors ils existent par eux mêmes et ne sont en rien dépendant du monde créé.
Ce sont des absolus : ils n’ont besoin d’aucune condition et d’aucune relation pour opérer. Leur valeur est universelle et s’étend à l’humanité entière.
Mais c’est ici que surgit le problème des absolus moraux.
Revenons sur les deux récits de Rahab et des sages-femmes. Dans chacun de ces cas, elles doivent se conformer à deux absolus moraux qu’elles ne semblent pas pouvoir concilier : le fait de ne pas mentir et le fait de ne pas tuer.
Comment expliquer une telle situation ? Se pourrait-il que deux absolus divins puissent s’opposer, voire se contredire ?
Trois solutions possibles
Pour résoudre la difficulté apparente posée par ces deux passages, les penseurs chrétiens se sont généralement regroupés derrière trois positions (1) :
1. La position des absolus conflictuels
2. La position des absolus gradués
3. La position des absolus non conflictuels
Le point 3 correspond à l’approche historique de l’Eglise. Selon cette proposition, les absolus moraux donnés par Dieu n’entrent jamais réellement en conflit, quand bien même ils donnent l’apparence de l’être. Cette position se focalise sur la portée et la signification de chaque absolu moral, recherchant ainsi ce que certains appelleront « l’esprit de la loi ».
Par exemple, le sixième commandement ne proscrit pas toute action de tuer, mais porte plutôt sur la notion de meurtre : le fait de prendre la vie d’un autre humain intentionnellement, vicieusement, et au mépris de tout cadre légal.
Dieu bénit des pécheurs
Chers lecteurs, la décision des sages-femmes était-elle totalement dénuée de péché ? De même que les vêtements d’un homme ayant échappé à l’incendie sentent encore le feu, les actions les plus nobles de ceux qui ont échappé à l’enfer portent encore la trace de la chute.
Nous n’agissons jamais de manière absolument bonne. Nous ne devrions pas perdre de vue cette réalité, et garder en tête que l’approbation divine de Schiphra et Pua n’est certainement pas la conséquence de la pureté intrinsèque de leurs actions.
Deux éléments me paraissent aller dans ce sens :
1. Ce n’est pas parce Dieu n’a pas reproché aux sages-femmes leur mensonge que cela constitue une approbation divine.
2. Ce n’est pas directement pour leurs actions que Schiphra et Pua sont louées, mais en raison de leur crainte de Dieu. Exode 1 : 21 dit : « Parce que les sages-femmes avaient eu la crainte de Dieu, Dieu fit prospérer leurs maisons »
Que ce soit dans l’épisode des sages-femmes ou de Rahab, Dieu recommande donc la foi en action de personnes en dépit de leurs mensonges.
En quoi est-ce étonnant, de la part d’un Dieu qui se plaît à bénir les pécheurs ?
Pourquoi ces situations impossibles ?
Chers lecteurs, comment considérer ces situations dans lesquelles il ne nous semble pas possible de faire autrement que mentir ?
Souvenons nous tout d’abord que Christ aussi a été confronté à bien des dilemmes, mais n’a jamais recouru au péché pour s’en sortir. Il dit dans Jean 8 : 12 – 16 : « Jésus leur parla de nouveau, et dit : Je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. Là-dessus, les pharisiens lui dirent : Tu rends témoignage de toi-même; ton témoignage n’est pas vrai. Jésus leur répondit : Quoique je rende témoignage de moi-même, mon témoignage est vrai, car je sais d’où je suis venu et où je vais; mais vous, vous ne savez d’où je viens ni où je vais. Vous jugez selon la chair; moi, je ne juge personne. Et si je juge, mon jugement est vrai, car je ne suis pas seul; mais le Père qui m’a envoyé est avec moi ».
Gardons également en tête que, dans des situations particulièrement extrêmes, d’autres ont choisi de se confier en Dieu et de ne pas recourir à la dissimulation.
De telles situations n’existent pas en raison d’un conflit entre la moralité de Dieu et la manière souveraine dont il dispose les circonstances : elles sont la conséquence directe de la chute.
Le fait même que nous nous retrouvions dans des situations apparemment insolubles est la conséquence directe du péché entré dans le monde par Adam.
L’apôtre Paul dit dans Romains 5 : 12 : « C’est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché ».
La bonne nouvelle, c’est que Dieu sauve du péché, et bénit des pécheurs. Voilà quel est l’encouragement central à ne pas mentir : Dieu nous a rachetés de notre vie de mensonge par la puissance de la vérité de l’Evangile.
Soyez transformés !
Auteur : Guillaume Bourin
Joëlle Hazukay