1. Sagesse du monde ou puissance de Dieu ?
Un membre d’église distingue difficilement entre assemblée et club séculier. Il trouve son exigence dans l’église aussi légitime qu’à la boutique de vêtement. Résultat : le voilà aussi passif devant son prédicateur que devant sa télé. Difficile de demander un effort d’attention… à moins d’en donner l’occasion : il faut être « interactif » de nos jours !
La durée d’un sermon est passée de toute une nuit (Paul) à trois heures, puis à une heure, et enfin à 45 minutes, voire à 25 minutes, quand ce ne sont pas des prédications-flashes de 3 minutes. Jusqu’où peut-on ressembler au monde, incorporer du marketing dans l’Église sans encourager des églises de consommation ? Prêchons-nous la grâce de Dieu comme on vend du jambon !? Tenterions-nous de brader la grâce ?
Puisqu’un chrétien est aussi consommateur, peut-on utiliser son langage pour l’enseigner ? Voire pour évangéliser ? La Bible semble bien sévère contre ce raisonnement :
« Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d’Esprit et de puissance, afin que votre foi fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. » (1 Cor 2.4-5)
Comprenons Paul : il ne rejette pas les techniques de communication, il en a lui-même employé à profusion, mais sa méthode (sagesse, confiance) se porte sur Christ quant à l’efficacité de sa prédication. Ce qui l’intéresse n’est pas de savoir si un homme maîtrise des techniques de persuasion ou non, mais s’il se confie en Dieu pour marcher par l’Esprit (1 Cor 4.19-20).
2. La place de l’évangile dans la méthode
Normalement, la communication sert l’information, pas l’inverse. L’emploi d’une technique pour enseigner l’Évangile dans le monde ou dans l’ église ne doit pas faire oublier la place centrale de la croix de Christ.
Elle n’est pas un sujet interchangeable au service d’une super-méthode. Parce que la croix est une absurdité dans ce monde, c’est sa place dans le discours qui indique où je fais porter ma confiance : oserai-je me glorifier de ce qui me sépare du monde (Gal 6.14) ou bien, pour mieux séduire mon public, en atténuerai-je sa portée ? Pesons bien les mots de Paul : « Christ m’a envoyé, c’est pour annoncer l’Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix de Christ ne soit pas rendue vaine. Car la prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent ; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une puissance de Dieu. » (1 Cor 1.17-18)
La Bible offre une tout autre perspective : nous devrons rendre des comptes, et il n’y a qu’un seul chemin, Christ. Dans ce verset, Paul dit qu’une évangélisation soucieuse de s’adapter à l’esprit de ce monde risque de dénaturer l’authenticité du message (en rendant inutile notre soumission à Christ : « une foi vaine »). En effet, qui veut d’un Sauveur crucifié ? Qui aime se faire traiter de « pécheur » ? Le message de la grâce insulte la chair ! Combien d’assemblées sont prêtes à faire passer la pilule par toutes les séductions possibles… quitte à adoucir « le scandale de la croix » (Gal 5.11) ! Par exemple, une assemblée parle de repentance et d’obéissance à Christ après que l’intéressé a « pris une décision pour Jésus » (notez qu’ici, le « repentant-client » est le décideur). Son Évangile ne scandalise plus.
3. La philosophie sous-jacente du Marketing
Les avantages techniques du marketing ne doivent pas nous faire oublier la philosophie derrière la méthode.
En utilisant les outils marketing, nous risquons de nous confier dans leur pouvoir de séduction. « Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas des paroles d’hommes fussent-elles persuasives. Ce sont les vertus de l’Esprit, moins visibles mais puissantes : la Bible, une vie de prière, et notre moralité en Christ » (paraphrase de 2 Cor 10.4). À vouloir plaire à l’auditeur-client, on risque de prêcher « un autre Évangile » (Gal 1.7; 6.12a). « Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine ; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs. » (2 Tim 4.3)
4. La bonne motivation sous-jacente
Comment occupez-vous votre temps et votre énergie : à cultiver votre intimité avec Christ ou bien à découvrir la dernière technique de persuasion en vogue pour l’appliquer à l’Évangile ?
À des champions de l’éloquence, Paul affirme son unique motivation : « Car je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » (1 Cor 2.2) Se concentrer sur les techniques de ce monde, c’est risquer de négliger sa relation avec Dieu. Dans une relation conjugale, on veut plaire à son conjoint (1 Cor 7). À qui l’Église est-elle mariée : à Christ ou au monde ? Dieu saura bien convaincre des publics variés par l’Évangile, qui est une puissance en soi (Rom 1.16-17). à cause de cela, mettons notre confiance en Dieu et non dans nos œuvres, même quand elles reposent sur des techniques efficaces.
En conclusion…
Nous pouvons employer les techniques de persuasion du monde, mais celui qui persuade, c’est l’Esprit (Jean 16). Paul pouvait dire : « Malheur à moi si je n’évangélise » car il était pleinement conscient de sa vocation d’évangéliste, mais jamais il ne se serait substitué à l’Esprit quant aux fruits de sa prédication. Ce ne sont pas des artifices marketing qui attireront les gens à Dieu, mais la vie transformée de ses enfants et l’action de Dieu (relire 1 Cor 2.4-5). Cette vérité reçue par la foi, nous avons toute liberté de l’appliquer : « Tout est pur pour ceux qui sont purs » (Tite 1.15).
Il y a un marketing qui sert l’Évangile quand on le domine et un marketing qui se sert de l’Évangile quand il domine ses utilisateurs.
Auteur : Frédéric MONDIN.